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14 janvier 2011

J'ai testé... Sous les pavés les égoutiers : la visite des égouts de Paris

blog__gouts_1

Notre-Dame, la Tour Eiffel and Co sont des incontournables pour tout touriste étranger de passage à Paris. Idem pour le provincial bien d'chez nous venu s'encanailler à la capitale. Mais ces braves gens sont-ils conscients de ce qui se trouve réellement sous leurs pieds ? Pas de plage sous les pavés, ça se saurait. Par contre, en plus du  métro archi connu, des catacombes un poil morbides, des caves et cryptes abandonnées, ou encore des anciennes carrières d'extraction, il y a aussi la présence top glamour des égouts.

Certes, en savoir un peu plus sur le réseau d'assainissement de la ville de Paris ne doit pas être la priorité absolue de la Japonaise Vuitton-Chanelisée jusqu'au trognon speedée d'en voir un max en 24h chrono. Mais cela vaut pourtant le coup de faire une incursion dans la partie aménagée pour les visites, au niveau du pont de l'Alma, pour voir le musée des égouts de Paris (c'est ici). En prenant bien soin de préférer suivre un des guides, c'est passionnant et très divertissant.

 Tout d'abord, une piqure de rappel...

- Jusqu'au Moyen-âge, que dalle au niveau aménagements. Les Parisiens utilisent l'eau de la Seine et la rejette ensuite allègrement dans les champs ou dans les ruelles en terre battue. Si bien qu'elle retourne, bien crade, rapidement à son point de départ la Seine.
- Vers 1200, notre 7ème capétien Philippe Auguste fait paver les rues de Paris. Le bonhomme a l'excellente idée de prévoir une rigole d'évacuation au milieu.
- Il faut attendre environ 170 ans de plus pour que le 1er égout vouté soit construit rue Montmartre (merci Hugues Aubriot, prévôt de l'époque). Mais ce n'est pas encore gagné pour le reste !
- Sous Louis XIV, un grand égout de ceinture voit le jour rive droite, mais la pauvre rivière de la Bièvre sert encore de réceptacle pour la rive gauche.
- Napoléon 1er lance les travaux pour 30km d'égouts voutés.
-
 A partir de 1850 tout s'accélère, avec le préfet de la Seine le Baron Haussmann et son cop's l'ingénieur Eugène Belgrand
main dans la main pour améliorer encore plus le système : rejet des eaux usées loin de la ville par gravité ou pompage, égout dans chaque rue.
- Une quinzaine d'année plus tard on en est déjà au double réseau (potable + non potable).

 Et aujourd'hui...

Le réseau est un monstre tentaculaire comprenant 2100km de galeries techniques, 2 réseaux d'alimentation en eau de ville (potable et non potable), l'évacuation de 1,2 millions m3 d'eau par jour vers des sites de traitement (surtout celui d'Archères), avec en prime des canalisations d'eau glacée pour les clim', des câbles de télécommunication et des tubes pneumatiques (inutile de les percer en douce, y'a pas de transit de pognon dedans, juste des messages !)

Allez hop, on y va !

blog__gouts_2

Il faut savoir que la visite en barque n'existe plus depuis 1975 par mesure d'hygiène... à cause des trop nombreux visiteurs qui ne pouvaient s'empêcher de mettre les mains dans l'eau malgré les mises en garde, oups !

On peut malgré tout voir le collecteur d'égout de l'avenue Bosquet, l'égout élémentaire (= un petit égout du réseau) de la rue Cognacq-Jay (avis aux phobiques, c'est là que le visiteur a le plus de chance de voir des rats !), le déversoir d'orage (= pour évacuer le trop-plein) de la place de la Résistance, le point de départ de l'émissaire sud (= canal d'évacuation circulaire de grande section) qui emporte une partie des eaux usées de la rive gauche vers la station d'épuration d'Achères.

Un gros morceau du boulot des types qui bossent là, c'est de nettoyer. De vraies Conchita les égoutiers ! Sauf qu'à la place du torchon et du balai, ils manient des instruments un peu plus encombrants genre wagon bi-boule pour les collecteurs secondaires (= un égout de moyenne taille avec trottoirs) et bateau-vanne pour les collecteurs principaux (ces 2 machines permettent de bloquer l'eau puis de faire un "effet de chasse" afin de récupérer les déchets), ou bien boule de curage (= pousse les "sables" issus des déchets) pour les siphons et émissaires. Les méthodes sont les même qu'au 19ème siècle !  

Dans le coin, ça ne sent pas la rose, mais c'est tout de même étonnement supportable. En fait, ce qui pue ce sont les sables. Comme il y a plein d'eau, leur odeur est étouffée, CQFD !

Des anecdotes ou infos surprenantes ?
(mais rien de coquin... rhôô franchement c'est pas le lieu !)

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Visiter une partie des égouts ne veut pas forcément dire pénétrer dans un no man's land culturel. De nombreux panneaux explicatifs ou historiques, maquettes et objets sont là pour le rappeler.

En marge de cela, notre super guide nous donne tout au long de la visite plein d'infos et anecdotes. En vrac... :

- Quels sont les animaux que l'on peut croiser dans les égouts ?

Des cafards, des araignées.
Des rats pour qui la vie est belle car ils ont de la nourriture à gogo grâce aux déchets. Ils mangent 3 fois leur poids par jour ! C'est pour cela d'ailleurs que les rats ne sont pas éradiqués : c'est une façon écolo de nettoyer. Du coup, on compte là 2 rats par Parisien.
Parfois des tortues de Floride (si mignon-trognon ce bébé "trôôô chou" qui au bout de quelques temps peut atteindre jusqu'à 40cm pour 3kg...!), un piton, et même un crocodile de 80cm en 1984 (il vit toujours, mais ailleurs, et se porte très bien dans sa grosse carcasse de 3m pour 300kg !) qui avait du survivre là quelques temps en boulottant des rats.

- Pourquoi les plaques d'égout sont-elle rondes ?

Ce petit joujou pèse tout de même 80kg (alors le coup du mec qui dans un film d'action en soulève  une  les doigts dans le nez pour s'échapper, ça fait bien se gondoler les égoutiers !) Donc si un égoutier la prenait sur le crâne ça ferait désordre. Pour éviter cela, une forme ronde avec un diamètre légèrement supérieur à l'ouverture du regard d'accès (= l'espèce de cheminée qui permet de descendre) c'est vraiment l'idéal : impossible à la plaque de tomber dedans.

- Dans quel coin de Paris cela pue-t-il le plus ?

C'est sous le quartier du Marais et celui des Champs-Elysées que ça fouette le plus ! La faute aux déchets issus des touristes, des commerces, des restaurants... 

- Quels objets retrouve-t-on dans les égouts ?

L'immense majorité des 15 000 m3/an de trucs solides est constitué de déchets.
Parfois, un distrait laisse échapper son trousseau de clés près d'une bouche d'égout, pas d'bol. Des bijoux de valeur font aussi de temps en temps le grand plongeon.
Comme les égouts ont servi de cache (notamment lors de la dernière guerre), on trouve aussi des armes.
On a aussi retrouvé un jour une... machine à laver ! Le mystère reste entier, il est impossible qu'elle soit passée par les canalisations ! Et pourquoi prendre la peine de la descendre là par un autre moyen ?

- Et les égoutiers en font quoi ?

C'est le jackpot lorsqu'il s'agit de bijoux, les égoutiers ont le droit de les garder. Si quelqu'un perd ses clés, il peut appeler n'importe 24h/24 et 4j/7 la Permanence des Egouts de Paris au 01 44  75 22 75 et aussi sec (mais les bottes humides) une équipe d'égoutiers part tenter de les récupérer. Ca soulage bien et c'est gratuit, mais il ne faut pas en abuser ! Et le petit pourboire ne sera jamais de trop.

- Les égouts dans la littérature ou au cinéma ?

Victor Hugo était très pote avec le directeur des égouts de l'époque. Sympa, le type lui en a dessiné un plan précis. Et c'est comme cela que l'écrivain a pu en faire une description très réaliste dans  son bouquin "Les Misérables" (lorsque Jean Valjean sauve Marius en le portant sur son dos à travers les égouts de Paris).
Pour le début du film "Ratatouille", les gars de Pixar sont venus faire une visite des lieux.

- Comment les égoutiers repéraient-ils autrefois la présence de gaz toxiques, avant d'être équipé comme maintenant de détecteurs ?

Ce sont de pauvres malheureux canaris qui servaient de cobayes. Très sensibles aux gaz, dès qu'ils tournaient de l'oeil c'est qu'il y avait urgence à se crapahuter fissa hors de la zone ! Maintenant les égoutiers ont des balises, mais il ne reste toujours que 10 min max pour remonter et aller chercher une bombonne d'oxygène avant de redescendre.

- C'est sympa le métier d'égoutier ?

Il a tout pour plaire ce métier : dangereux (inondation...), vaccinations obligatoires (typhoïde...), équipement top tendance (bottes cuissardes, casque lumière, masque balise pour détecter les gaz...), salaire mirobolant (1400 net/ mois + prime 100-150 euros). L'exam comporte une partie théorique et une partie pratique, et 1/3 de ceux qui ont réussi la théorie jettent l'éponge après avoir tâté un peu de la pratique. Et sur les 10 sélectionnés chaque année, 5 abandonnent au bout de 6 mois. Le concours est ouvert aux filles depuis 2006 mais le métier est incompatible avec une grossesse, alors forcément ça calme les ardeurs de ces dames (que 5 filles aujourd'hui, dont 2 au niveau de la partie musée). Avis aux amateurs !

- Est-ce que c'est éclairé dans les égouts ?

C'est éclairé dans les petits égouts (tous les 2 mètres). Ailleurs  les égoutiers, évoluent à la simple lueur de leur frontale (un peu trop humide dans le coin pour installer un réseau électrique !) Ils s'aident d'une carte pour s'orienter, et se repèrent grâce aux plaques de rue fixées aux murs (bien évidement elles correspondent avec celles du dehors au dessus).

- Comment coince-t-on les gens qui créent une pollution interdite?

Les petits malins qui balancent tout et n'importe quoi "en toute impunité" (enfin, c'est ce qu'ils le pensent !) dans les canalisations sont facilement repérés avec les plaques au nom des rues : la zone en surface correspondant au pic de pollution en dessous est rapidement ciblée, et le type reçoit l'injonction de cesser. Au bout de 3 fois, c'est l'amende !

Et en surface...

- C'est quoi une Fontaine Wallace ?

L'anglais Richard Wallace avait hérité d'une énorme fortune de son paternel. A son époque, les riches se payaient des porteurs d'eau potable, tandis que les pauvres buvaient l'eau de la Seine et du vin (c'était moins cher !) Et dans les cafés, on payait le verre d'eau. Histoire de mettre de l'eau potable à la portée de tous, il a inventé une fontaine distributrice d'eau propre et en a fait cadeau de 50 à la ville de Paris, vers 1870. Elles sont en fonte, avec une pompe dans le socle, distribution d'eau au niveau des caryatides, avec un gobelet accroché par une chainette. En 1952, le gobelet est supprimé pour cause d'hygiène. Il reste seulement 3 fontaines d'origine en place actuellement.

- Elle est propre maintenant la Seine ?

Ok ok ok, en 1988 Chirac avait déclaré : "Dans cinq ans, on pourra à nouveau se baigner dans la Seine". En 2011 ce n'est pas encore vraiment le cas. Mais la pollution ne cesse de décroitre. On y compte tout de même actuellement une trentaine d'espèces de poissons qui pètent de santé. Des concours de pêche sont organisés (mais les prises ne sont pas consommées !) Donc encore un peu de patience avant de piquer une tête dans la Seine.

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Bonus n°1


Vraiment extra !

art_d_erue

Art de rue autour des égouts, photographié par MimiDom dans divers pays, et publié sur son blog EasyDoor (le blog est ici).

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Bonus n°2

2 livres sur tous les aspects du sous-sol de Paris (cryptes, tunnels ferroviaires...), très intéressants, achetés à la boutique du musée...

blog__gouts_livres

- un album documentaire pour les enfants "Qui a-t-il sous Paris" de Valérie Guidoux et Jean-Michel Payet (parigramme).
"
Des escaliers, l’entrée d’un tunnel, une bouche d’égout : voilà les signes extérieurs d’un monde riche, vaste et vital pour la ville, le Paris souterrain. Car sous nos pieds, Paris s’enfonce profondément dans la terre, formant un réseau complexe de caves, d’égouts, de cryptes somptueuses, de tunnels ferroviaires, de parkings, de sombres carrières, de galeries commerçantes, de ruines, de salles de spectacle ou de catacombes. Une ville souterraine très secrète…"

- un album photographique en couleur (plus une illustrations et quelques photos d'époque en noir et blanc) légendé en français et en anglais "Paris souterrain" d'Emmanuel Gaffard (parigramme).
"Carrières, catacombes, cryptes, égouts, tunnels... Depuis le Moyen Âge, le sous-sol a été exploité pour en extraire le calcaire et le gypse nécessaires à la construction de Paris. Il reste des anciennes carrières près de 300 kilomètres de galeries soigneusement consolidées, essentiellement rive gauche. D’autres toiles souterraines, à commencer par celles des égouts et du métro, s’ajoutent à ce réseau pour composer avec les circuits de distribution du gaz, de l’électricité, du téléphone… une doublure secrète de la capitale."

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Commentaires
M
Super article sur mon boulot, puisque je travaille a la visite des égouts, toutes les informations sont exactes et la facon de résumer la visite est tres ludique.Félicitation. Un égoutier
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L
Taka : Naaaaaaaaaaaaan, je veux pô tester ta "détox par virus" !! Et puis j'ai déjà sur les rails un test beaucoup plus sympa que ça pour mon prochain article... ;-)
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T
je t'ai plagié...oui,aujourd'hui.Mais tu peux tester aujourd'hui ce que je viens de tester lol mais je pense que tu me feras confiance,vu le sujet
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H
Ben voilà... un super article comme d'hab. Je savais pas qu'ils avaient utilisé des canaris comme dans les mines.
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G
Tu nous étonneras toujours...<br /> J'adore le jeux de mots de ton chéri ! <br /> tous les (é)goûts sont dans la nature.
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