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Cet été, nous avons passé 2 semaines dans le Quercy. Programme sans prise de tête décidé au jour le jour. Open à toutes opportunités donc. Et justement, nous cheminions pépère d'une grotte à l'autre lorsque notre attention a été attirée par un panneau en bord de route. Puisqu'il nous invitait à venir admirer les réalisations du propriétaire des lieux, nous avons fait une halte sans trop savoir ce que nous allions découvrir...
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Jean Delhom occupe sa retraite de façon plutôt originale. Pas le genre à se creuser les méninges pour traquer le "scrabble mot compte triple avec le Z sur la lettre compte double". Non. Cet ancien cuisinier d'un resto de St Pierre en Chartreuse préfère passer son temps libre à construire des maisons en pierres. Mais attention, ce sont de toutes petites maisons !
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Tout a commencé en 1982. Jean s'amuse à reproduire la maison de ses parents. Presque 30 ans plus tard (tenace le bonhomme !), il est maintenant à la tête d'un village tout entier !
L'air de rien, il ne s'agit pas seulement de jouer aux légos avec quelques pierres ramassées au pifomètre à droite à gauche. C'est beaucoup plus siouxxx ! Il faut être à la fois photographe, architecte, tailleur de pierres, maçon, etc. Impressionnant, non ?
Après avoir repéré un modèle grandeur nature qui l'inspire, Jean le photographie sous toutes ses façades. Puis il relève les côtes et fait une projection en carton. Ensuite, Jean découpe des pierres de Bavière avec une tenaille. Et enfin, il assemble les pierres avec du ciment-colle de carreleur, aidé d'une équerre en guise de fil à plomb, puis il fignole avec un disque abrasif pour poncer. Pour les toits, Jean fabrique lui-même chaque tuile en terre cuite en les moulant sur le bout d'un stylo, ou bien en ciment teinté dans la masse. Toutes les portes, fenêtres et volets sont en balza.
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Au final, une belle bâtisse au 1/35ème, réalisée à la façon locale ! (pour plus de détails sur tout ceci, c'est par
là). Avec mes 2 "mains gauches" et mon côté plutôt "bouillonnant", j'avoue être scotchée devant tant de savoir-faire et de patience !
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Jean vend parfois des modèles tous simples. Par contre, il garde pour lui les plus imposants. Il a bien cédé une fois au désir très pressant d'un type qui voulait qu'il reproduise sa maison. "Mais ça va être trèèès long, et trèèèès cher !", il a tout essayé pour le dégouter. Rien à faire le gars voulait absolument sa maison en miniature. Il l'a eu.
"Quand les hommes vivront d'amour il n'y aura plus de misère". Ca vous dit quelque chose ? C'est une chanson québécoise de Raymond Lévesque. Quel rapport avec le schmilblick me direz-vous ? Et bien un grand !...
Il y a une dizaine d'année, Jean a participé à une expo sur le thème de la "liberté", organisée par l'association "Courants d'Art" (voir ici). Pas facile d'associer l'idée de liberté avec les pierres. Gros brainstorming. D'un seul coup cela lui est venu de remplacer le mot "misère" par "frontières" dans la chanson. Et voilà comment a germé l'idée de son oeuvre "la liberté entre 4 murs" : une frontière en pierres, avec une ouverture en forme de V de la victoire laissant apparaitre la statue de la Liberté offerte par la France aux USA. Histoire d'en rajouter une couche dans le côté symbolique, les gardiens des miradors sont remplacés par des oiseaux, et les armes par des instruments de musique. Les 4 murs, ce sont en fait les 4 fenêtres à message placardées sur la frontière. L'une d'elle, celle ouverte sur l'information, est à moitié murée : à méditer !
En tout cas good job Mister Delhom. Et bravo pour votre prix du public 1999 et la mise vedette dans le journal du coin (là) ! Et il l'a ressorti pour commémorer l'anniversaire de la chute du mur de Berlin.
Et puis ça ne pouvait pas louper, un jour Jean se laisse titiller par l'envie de tenter l'aventure de la reconstitution grandeur réelle. On quitte donc l'atelier pour faire un tour dans le jardin...
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Tiens, bizarre autant qu'étrange, serait-ce de la musique ? En fait, Jean n'a rien trouvé de plus efficace pour éloigner les sangliers (le genre de bestiole capable de mettre un beau foutoir en 30 secondes...) que de laisser brancher 24h/24 une radio planquée au niveau de la fontaine depuis 3 ans !
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Sa reconstitution la plus typique de la région est sans conteste sa cazelle. Kesksèksa ? Tout simplement un abri de berger tout rond, en pierres du cru (voir ici et la page qui suit). Six mois d'efforts et au final une cabane costaud qui pèse pas moins de 15 480 kg ! Pour en savoir plus sur ce boulot de titan, c'est là (et les pages suivantes).
Le jardin recèle encore bien d'autres surprises. Côté verdure, Jean s'est éclaté à tailler quelques arbustes en animal ou en spirale. Côté ferraille, il aime détourner des objets : un escargot (enfin, d'après lui c'est un écureuil, mais désolée moi je vois un gastéropode !) réalisé avec une vieille charrue et un cerclage de barrique, une brouette qui sert de pot à bonzaï...
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Et puis le clou du spectacle... les WC... à l'ancienne ! Un panneau annonce la couleur sans détour avec son "Retour à la nature" écrit en gros. Et effectivement, il faut vraiment avoir la foi (ou pas le choix !) pour s'aventurer à les utiliser. Chasse d'eau sans eau à la sciure ! Il paraît que les jeunes adorent, contrairement au vieux (j'en conclus donc que je suis une vieille peau, oups !)
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Bonus
Le blog en anglais un poil déjanté Village of Joy (c'est ici) a été le premier (puis souvent copié !) à publier 150 photos de bâtiments au look plutôt hors du commun.
un court extrait de 150 photos de bâtiments... par sophiedelamarsa
Ca, ce n'était qu'un petit extrait, mais le mieux est encore d'aller les voir toutes directement sur le blog : une première série de photos ici, la suite là, et enfin les 50 dernières ici. Cela vaut carrément le détour !
Si vous avez aimé les photos, ne zappez pas mon "j'ai testé" sur une construction française assez particulière :
J'ai testé... Un labeur de grande ampleur : le Palais idéal du facteur Cheval