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18 juin 2010

J'ai testé... Beaujolais parfait, Brouilly exquis : un vigneron très proche du terroir (Jean-Claude Lapalu)

blog_vigneron

Le club d'œnologie dont fait partie mon mari a organisé récemment une escapade dans la région du Beaujolais. A cette occasion, Jean-Claude Lapalu (remarqué par notre Jean-Pierre Coffe national ici, mais aussi par d'autres ici) nous a accueillis sur son domaine à Saint-Etienne la Varenne ("Le Petit Vernay"). J'ai joué les pièces rapportées lors de cette sortie car la bibine n'est pas vraiment ma tasse de thé à la base.

Vigneron comme l'étaient avant lui ses grands-pères et son père, il aurait pu, sans trop se faire de nœuds au cerveau, bosser toute sa vie à la coopérative du coin. Mais l'homme est atypique. Au bout de quelques années il claque la porte, sans pour autant abandonner le métier. Pas question alors de reproduire les même méthodes, il ne va tout de même pas fabriquer un vin qu'il est incapable de boire ! Le "vin technique" ne l'intéresse pas, il veut travailler le côté "pur" du raisin et du jus pour produire un Brouilly et un Beaujolais Village de qualité. Il refuse l'influence d'un "gourou", y va tranquillement en faisant des essais. Au final, Jean-Claude repense complètement son procédé de vinification (sans "intrants"), puis un peu plus tard change aussi sa façon de cultiver la vigne, le tout dans un seul but : être au plus proche du terroir. Son caractère à double facettes, "latin pour la déconne" et "germain pour recadrer", est pour lui un atout supplémentaire dans cette entreprise à priori risquée. Pari réussi en tout cas, puisque que ses vins AOC sont reconnus haut de gamme, et qu'il compte maintenant des clients un peu partout dans le monde (Europe, Amérique du nord, Philippines...)

Pas du genre cachotier, Jean-Claude nous explique "tout tout tout vous saurez tout sur sa philosophie" de l'élaboration d'un bon vin... :

blog_vigneron__2_

Sur ses terres, on remarque de suite que le genre "crâne chauve" n'a pas sa place. En effet, de l'herbe pousse entre les pieds de vigne. L'idée n'est pas de faire joliment champêtre, mais plutôt de forcer la vigne à se bouger un peu pour se nourrir de façon naturelle sans coup de pouce chimique. Au ras du sol, les différentes racines sont en compétition, ce qui oblige celles des pieds de vigne à s'enfoncer profondément. Cela leur permet en prime d'aller puiser des saveurs minérales plus complexes, et aussi d'échapper à la sécheresse. Un peu de labourage est cependant nécessaire pour que l'herbe ne devienne pas trop étouffante. Jean-Claude utilise alors un soc manuel, avec un système de treuil. Sur une toute petite parcelle où c'est impossible, il désherbe au... vinaigre !

Au moment de la taille, Jean-Claude laisse 2 bourgeons au niveau de chaque sarment. Bizzarerie de la nature, les nouvelles pousses qui donneront les fleurs puis les grappes n'apparaissent que sur les sarments de l'année précédente.

Comme aucun engin mécanique à roues (tracteur...) n'est le bienvenu ici, il est inutile de monter la vigne en espaliers et de la fixer avec du fil de fer pour faire de l'espace entre les rangs. Jean-Claude dégage tout de même un petit passage pour que les travailleurs puissent circuler, mais il attache alors les rameaux avec un fil se rapprochant du raphia (qui lui au moins ne rouille pas !) De plus, il préfère que les grappes de raisin se développent près sol (tant pis pour le dos des vignerons et des vendangeurs !) car elles ont alors une maturité plus avancée. Et cela, même si elles sont alors plus sensibles à la pourriture et aux maladies (pas de traitement antibio notamment). Régulièrement, il rabaisse en éliminant les plus grandes cornes, et enlève les rameaux morts ou qui poussent trop de travers.

Le rendement étant faible au final (il faudrait au minimum obtenir 40 hectolitres à l'hectare, ce n'est pas toujours gagné !), aucune grappe n'est éliminée avant les vendanges. Le moindre grain qui sort est trop précieux pour être sabordé !

La date des vendanges se programme grâce à l'équation magique : apparition des 1ères fleurs + 90 jours = début des vendanges. Jean-Claude rassemble alors une équipe de saisonniers et d'étudiants, mixte pour une meilleure ambiance (il faut mieux, le travail est déjà assez pénible comme cela !) Sa mission ?... cueillir et trier les grappes, à la main. Le challenge ?... ne conserver que "ce qui donne envie d'être mangé" et jeter sans état d'âme le reste. La dream team n'est pas payée au rendement mais pour récolter du raisin sain. Et tout cela en implorant la météo d'être sympa, car la pluie lessive les levures naturellement présentes et dur dur ensuite de démarrer la fermentation.

Les grappes sont transportées dans des cagettes et rafraîchies (surtout pas dans une cuve avec pompe à chaleur qui triture pendant 3h ! Sacrilège !)

Puis elles sont placées entières pendant au moins 2 semaines 1/2  dans une cuve pour subir une macération carbonique. C'est l'étape de la "vinification de fainéant" dont Jean-Claude est très fier : rien à ajouter (genre levures exogènes, soufre qui donne mal au crâne...), juste laisser faire la fermentation ! En fait, elle nécessite tout de même un accompagnement : 2 fois par jour (tôt le matin, et le soir), Jean-Luc surveille ses bébés en contrôlant leur densité et leur t°, et il les écoute, les sent, les goûte. Parfois il se paie une bonne frayeur lors d'un arrêt fermentaire inopportun. Danger, transformation en vinaigre à l'horizon ! Dans ce cas là, il oxygène en prélevant du jus de fond de cuve pour le placer au dessus.

Le pressage est le seul moment où le raisin est un peu malmené. Mais d'ici peu Jean-Claude récupèrera un pressoir vertical moins traumatisant et pourra ainsi chouchouter son raisin du début jusqu'à la fin.

Jean-Claude s'amuse aussi à assembler plusieurs types de jus provenant de différentes micro-parcelles. Il prend soins d'informer les cuves concernées qu'il va les marier en transvasant au préalable dans chacune un verre de jus prélevé dans l'autre, histoire de ménager les susceptibilités, et de faire ami-ami en douceur. 

Ensuite le jus est placé dans des tonneaux en bois. Rien à voir avec une histoire de "goût de bois" à apporter au vin. C'est tout simplement pour assurer une bonne oxygénation.

Puis enfin, le vin est mis en bouteilles (un peu de gaz fermentaire est conservé lors de cette opération pour garder de la fraîcheur).

Et ensuite ?... Ben... y'a plus qu'à déguster les anciennes cuvées et constater que le résultat est à la hauteur des espérances !... Test réussi !

blog_vigneron__3_

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Mais où diable Jean-Claude est-il allé chercher le nom de ses vins ? 

- Croix des Rameaux : Lieu-dit du coin

- Rang du Merle : On appelle "rang du merle" celui qui situé en bordure de haie et qui plus que les autres est soumis à l'appétit vorace des oiseaux, d'où un rendement moindre. Quand il a débuté, Jean-Claude a voulu laisser mûrir certaines grappes plus longtemps. Pour lui, la rafle (le petit branchage supportant les grains de raisin) devait logiquement alors passer du vert au brun (ce qui n'est pas le cas en réalité). Au bout de 5 semaines elle n'avait toujours pas changé de couleur. Cette longue attente dûe à son ignorance augmenta le risque de rendement moindre puisque le raisin était exposé plus longtemps aux oiseaux. Il a choisi ce nom pour son vin produit à partir de grappes dont la maturation est poussée à l’extrême

- Cuvée des Fous : Pour la 1ère fois en 2000, Jean-Claude isole quelques barriques provenant d'une parcelle centenaire et décide de les mettre en bouteille en mai. Mais au goût ce n'est vraiment pas bon, et c'est toujours le cas en juin, en juillet... En octobre, un ami lui demande de lui faire goûter son "purin". 9h du mat', saucisson, et... une bonne surprise puisque le vin est maintenant excellent ! Un client de Paris lui en commande et vend tout en 3 semaines et réclame : "Tu me renvoies immédiatement 60 bouteilles de cette cuvée de fou !" Voilà comment est né le nom de ce vin.

- Aléatoire : C'est un vin pétillant naturel mis en bouteille "sur le fil" après les chaleurs du printemps, juste avant la fin de la fermentation. Il est dégorgé à la main. Il n'est jamais identique d'une année à l'autre, ni même d'une bouteille à l'autre pour un même lot, d'où son nom.

- Tentation et Vieilles Vignes : Oups, j'ai oublié de lui demander sur place, si je peux récupérer l'info je le noterai ici !   

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Et encore...

blog_vigneron__4_

- Jean-Claude possède une gigantesque amphore en terre cuite dans sa cave. Il a fait l'expérience d'élever le même jus en tonneau de bois et en amphore... Les deux "Croix des Rameaux" obtenus étaient très différents au final !

- "Vengeance tardive - V.D.N. Vin à Disponibilité Négative". On parle normalement de vendange tardive, et V.D.N signifie en réalité Vin Doux Naturel. Jean-Claude n'a pas l'autorisation de vendre une partie de sa production sous cette appellation. D'où l'étiquetage clin d'œil de cette cuvée qu'il ne commercialise pas.

- Un dessinateur belge de la feuille de chou "Le cercle du tonneau" a offert gracieusement à Jean-Claude l'illustration de l'étiquette de sa cuvée "Aléatoire" : un bonhomme ouvre le verrou de la cave avec un tire-bouchon, ce qui est en parfait accord avec une des citations préférées de Jean-Claude : "La seule arme qu'il tolère, c'est le tire-bouchon" (Jean Carmet).

- Une autre citation plébiscitée par Jean-Claude : "Si la vérité est dans le vin, qu'elle y reste !" (Pierre Dac).

- Bien souvent, l'appellation Beaujolais Village est ressentie de manière péjorative car fait penser à un simple vin de table. C'est une erreur grossière, et cela d'autant plus pour le vin produit par Jean-Claude qui "élève" son vin dans les 2 sens du terme : il élève (= fait l'ensemble des opérations nécessaires après la vinification) et élève (= tire vers le haut la qualité) son vin.

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Commentaires
G
Un test que j'aurai bien partagé avec toi... une prochaine fois peut-être. Tu connais ma passion pour le vin et tout ce qui s'y rattache.
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L
Bob, Jean-Claude ne prétend pas faire du bio, mais une culture "raisonnée" et une vinification sans intrants :<br /> - au niveau des pieds de vigne, il n'utilise pas d'antibio, desherbe au vinaigre si ne peut pas le faire avec son soc, etc. <br /> - La vinification correspond à ce qui se passe après la récolte : il n'ajoute pas d'intrants (levures exogènes, ou soufre, ou autres) au niveau des cuves de fermentation.
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B
Une telle façon de cultiver donne l'assurance de boire un vin de qualité. Mais je me pose la question...Ce magnifique vignoble est il isolé ou mitoyen d'autres ne pratiquant pas la culture sans intrants ? Les barrières dans l'atmosphère sont difficiles à imaginer...
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